L’altruisme est un comportement qui peut être analysé au niveau sociobiologique, sociologique ou psychologique (cf. Penner & al., 2005, pour une revue). De très nombreuses hypothèses sont avancées pour expliquer la source de ce comportement. Dans une perspective purement motivationnelle, l’altruisme pourrait expliquer la présence d’une motivation dont le but central serait de prendre garde au bien-être d’autrui (Batson, 1991 cité par Penner & al., 2005). Dans une perspective sociobiologique néo-darwiniste, l’altruisme serait basé sur des prédispositions génétiques à agir de façon pro-sociale.

L’une des premières explications, qui reste encore valide actuellement, s’inscrit dans le cadre d’un processus de décision. L’analyse en termes de coût/bénéfice, qu’ont proposée Piliavin & al. (1981), s’appuie sur une analyse hédonique où l’individu pour prendre sa décision cherche à maximiser les bénéfices et minimiser les aspects négatifs. Dans cette perspective, conforme à l’homme économique d’Edwards (1954) où l’individu regarde avant tout rationnellement ses propres intérêts, dans une situation d’urgence l’individu à même d’apporter de l’aide analyse les circonstances, pèse les coûts et les bénéfices des différentes alternatives et, enfin, sélectionne le résultat qui a le meilleur rapport positif.

Depaulo & Fisher (1980) montrent également que cette analyse coût/bénéfice s’applique également à celui qui recherche de l’aide dans une situation d’apprentissage. Pour eux, il existe différentes formes de coûts relatifs à la recherche d’aide :

  • les coûts relatifs à l’impact négatif sur l’estime de soi ;
  • les coûts de celui qui apporte de l’aide ;
  • les coûts liés à la modification défavorable que pourrait subir sa propre image pour celui qui apporte de l’aide ;
  • l’impact négatif que pourrait avoir la demande d’aide sur les résultats de celui qui la requiert.

Pour vérifier l’impact de ces différents coûts, Depaulo & Fisher (1980) ont proposé à des étudiants de répondre à un questionnaire grâce auquel ils étaient en mesure de gagner des points supplémentaires valant pour la validation de leur diplôme. Les étudiants pouvaient, lors de la réalisation de leur tâche, requérir de l’aide auprès d’un autre étudiant de troisième cycle. En fonction des conditions de l’expérience, il leur était indiqué soit que l’étudiant en troisième cycle était en train de travailler sur sa thèse (coût important), soit qu’il ne faisait rien de spécial (coût faible). De même, toute demande d’aide pouvait coûter 1 point (coût faible), ou 1,5 point (coût important) pour chaque item auquel il serait répondu avec l’aide de cet étudiant en troisième cycle. Par ailleurs, l’activité peut être jugée comme facile, et toute demande d’aide ayant un coût important pour l’estime de soi, soit difficile ce qui a un impact moins important sur l’estime de soi. Conformément aux hypothèses de l’étude, les étudiants requièrent moins d’aide quand celui qui peut répondre à leur question est occupé, ou quand chaque demande d’aide peut avoir un impact négatif sur leur évaluation. De même, si la tâche est jugée facile, les étudiants vont avoir tendance à faire moins de demande d’aide.

Plus récemment, Perlow & Weeks (2002) ont montré que ce type d’analyse pouvait être utile pour comprendre les bénéfices qu’attendaient les programmeurs indiens ou américains lorsqu’ils fournissent de l’aide. En effet, une première analyse a permis de montrer que les programmeurs américains ne fournissent de l’aide qu’à ceux en qui ils s’attendent à recevoir de même dans le futur. Par contre, les programmeurs indiens fournissent de l’aide à tous ceux qui en ont besoin. En fait, il s’avère que l’aide qu’apportent les programmeurs indiens à leurs collègues s’insère dans le cadre d’une opportunité d’apprentissage.

Représentation intégrée de la conception coût-bénéfice de l’altruisme (d’après Piliavin & al., 1981)