Litman & Spielberger (2003) s’appuient sur les travaux de Berlyne (1960) sur la curiosité en y ajoutant une vision différentielle. Ils la définissent comme un désir d’acquérir de nouvelles connaissances et de nouvelles expériences, désir qui va motiver le comportement exploratoire. Par ailleurs, pour Litman & Spielberger (2003), la curiosité, en plus d’être un état, est aussi un trait dans le sens où une émotion particulière (ici la curiosité) peut être expérimentée de façon récurrente et donc reflète une disposition relativement stable.

Dans une première étude, Litman & Spielberger (2003) vont s’intéresser particulièrement à la curiosité épistémique et à la curiosité perceptive (Berlyne, 1960), non pas en termes d’état, mais de trait comme défini précédemment. Plus précisément, ils vont mesurer la curiosité en tant que trait de personnalité tout en cherchant à estimer l’intensité de cet état émotionnel qui motive les deux formes de curiosité. L’échelle qu’ils proposent permet, effectivement, de distinguer chez les individus des facteurs stables renvoyant à la curiosité épistémique et à la curiosité perceptive. La curiosité épistémique est, elle-même, constituée de deux sous-facteurs, présents également dans la conception de Berlyne (1960), qui sont à rapprocher de l’exploration divertissante et spécifique. Pour Litman & Spielberger (2003), l’exploration divertissante est motivée par la sensation d’ennui et le désir de varier les stimulations. L’exploration spécifique serait, quant à elle, dédiée à une recherche détaillée de ce qui est nouveau afin d’acquérir de nouvelles informations.

Les recherches de Litman sur la curiosité ne vont pas en rester là puisqu’il continue d’approfondir cette conception différentielle de la curiosité (au travers d’études supplémentaires). En association avec Jimerson (Litman & Jimerson, 2004), il va s’intéresser au plus prés à la composante émotionnelle de la curiosité. Les auteurs remarquent que la conception de Berlyne, qui parle de drive, implique que la curiosité soit une sensation désagréable comme peut l’être la faim ou la soif. Cette conception de la curiosité comme quelque-chose de désagréable se trouve être à l’opposé des conceptions contemporaines qui estiment, au contraire, d’après Litman & Jimerson (2004), que la curiosité est une sensation agréable. Dans cette double perspective, Loewenstein (1994) propose deux formes de sensations, une positive et une négative, qui peuvent être associées à la curiosité. Lorsque la curiosité est une anticipation plaisante d’acquisition de connaissances, alors il s’agit d’une sensation positive (curiosité inductive). À l’inverse, lorsque l’individu estime être privé d’un accès à l’information, il s’agit plutôt d’une sensation négative : l’individu ayant l’impression d’être dépossédé de quelque chose qu’il croyait avoir (curiosité de dépossession). Les individus qui éprouvent cette sensation, négative de dépossession, sont plus motivés pour apprendre que ceux qui éprouvent une sensation positive (Loewenstein, 1994).

Partant d’une telle conception de la curiosité, Litman & Jimerson (2004) ont montré que cette double orientation de la curiosité peut être retrouvée de façon plus tangible à travers un questionnaire. Dans une autre étude, Litman (2008) montre que ces distinctions, entre ces différentes formes de curiosité, peuvent se rapprocher des buts de performance et d’apprentissage tels que les conçoivent Elliot & Harackiewicz (1996). La curiosité inductive peut conceptuellement être associée au but d’apprentissage car, dans les deux cas, l’acquisition de connaissances se fait de manière intrinsèque ; c’est-à-dire uniquement pour le plaisir. De même, la curiosité de dépossession est proche d’un but de performance car l’individu recherche des informations spécifiques sur un objet permettant une réalisation considérée comme importante. Litman (2008) montre que les échelles de curiosité sont bien associées avec celles des buts, la curiosité inductive est fortement corrélée avec le but d’apprentissage et la curiosité de dépossession avec celle du but de performance que ce soit en approche ou en évitement.

Représentation intégrée de la conception différentielle de la curiosité
(d’après Litman & Spielberger, 2003)