Les premières recherches englobées maintenant au champ pléthorique de la motivation, se sont attachées à proposer des listes d’instincts ou de besoins permettant de comprendre pourquoi l’individu adopte tel comportement ou réalise telle activité. Cependant, au-delà de cette explicitation du motif de l’action, il est apparu, dès les années 30 dans les travaux de Tolman (1932), que pour comprendre la motivation d’un animal, il fallait également prendre en compte en quelque sorte sa « vision de l’avenir ». Par exemple, il ne suffit pas de mettre une récompense (un motif) au bout d’un labyrinthe pour qu’un animal cherche à l’atteindre, il est préalablement essentiel qu’il sache que cette récompense est là.

Cette distinction entre le motif et l’anticipation de la présence du motif a été démontrée de façon magistrale dans l’expérience de Blodgett (1929).
Cette étude sur l’apprentissage incident montre que si, dans un premier temps, un rat est placé dans un labyrinthe sans récompense, ses performances se révèlent, en termes d’erreurs de parcours, moins bonnes que celles d’un autre animal placé dans les mêmes conditions mais récompensé. Cependant, si dans un second temps une récompense est placée dans le même labyrinthe, il apparaît que ses performances augmentent beaucoup plus vite que celles d’un animal qui n’aurait pas profité de ce premier temps sans récompense. Autrement dit, lorsqu’un animal est placé dans un labyrinthe sans pour autant être « incité » à en apprendre le parcours, l’apprentissage s’opère malgré tout, c’est un apprentissage incident ou latent. L’anticipation d’une récompense en début de parcours modifie les performances observées et montre que, sans la valeur incitative de la récompense, il est impossible d’observer un certain niveau de performance.

Cette prise en compte de l’« avenir » rejoint les travaux sur le niveau d’aspiration effectués cette fois chez l’homme. Dans ce type de recherche, l’individu doit accomplir une activité (par exemple lancer des fléchettes sur une cible) qui nécessite une certaine adresse de sa part et donc, potentiellement, entraîner un échec si d’aventure il ne parvient pas au niveau requis pour réussir. Le niveau d’aspiration ne peut se construire que si l’individu a plusieurs essais puisque c’est l’individu lui-même qui se fixe l’objectif (nombre de fléchettes qui doivent toucher le centre de la cible par exemple) qu’il veut égaler ou dépasser. La perception d’une réussite ou d’un échec dépend de l’objectif que l’individu s’efforce d’atteindre. L’échec survient s’il se trouve en deçà du niveau d’accomplissement qu’il s’est fixé.
Pour Lewin, Dembo, Festinger & Sears (1944), l’objectif que se fixe l’individu dépend de ses résultats (score) antérieurs. Généralement, le niveau d’aspiration décroît lorsque l’individu échoue et augmente lorsqu’il réussit. Le modèle qu’ils proposent, repose, de ce fait, en partie sur la probabilité subjective du succès ou de l’échec.
Les conceptualisations de Tolman (1932) et de Lewin, Dembo, Festinger & Sears (1944) partagent l’idée que la « présence » d’un « certain » avenir est à même de motiver l’homme comme l’animal. Même si la nature de cette présence peut être concrétisée au travers de l’utilisation d’une terminologie relativement étendue, ce fut la notion de « but » qui la caractérisa à l’origine, au travers des travaux de Tolman (1925) sur la recherche de l’objectif (« goal seeking »).

Le but a en effet la particularité d’être une projection dans l’avenir. Il faut cependant remarquer qu’un but peut être considéré sous deux facettes qui peuvent être dissociées : l’anticipation d’un état final (qui peut être considéré comme un motif) et l’anticipation de la réalisation de cet état final (la prédiction). C’est précisément sur ce deuxième aspect que porte la probabilité subjective de l’échec ou du succès introduite dans le modèle de Lewin, Dembo, Festinger & Sears (1944). Par la suite, c’est le terme d’« expectation » qui va s’imposer et être utilisé dans de très nombreux modèles motivationnels.

En plus du but, l’expectation entretient également des relations étroites avec un autre motif : la valeur. Ces deux termes vont très tôt être associés pour caractériser les théories dites de l’« expectation-valeur ». Ces modèles motivationnels peuvent être abordés sous au moins deux perspectives comme nous le verrons plus loin.

Un troisième concept est également associé à l’expectation : celui de contrôle, bien que moins fréquemment. Cet intérêt pour l’expectation de contrôle paraît prendre son point de départ dans les travaux de Rotter (1966) et s’être développé par la suite notamment sous l’impulsion de la résignation apprise (Peterson, Maier, Seligman, 1993).

Enfin, deux modèles plus récents (Oettingen & Hagenah, 2005 ; Scheier & Carver, 1985) mettent en évidence l’impact et le rôle de l’imaginaire dans le cadre de la prédiction.

Représentation intégrée de la prédiction