L’une des premières perspectives majeures, dans ce qu’il est possible aujourd’hui d’appeler l’engagement, est issue des travaux de Lewin (1947a), (encore lui !) sur le problème de la résistance au changement.
Il s’agissait à cette époque, avant tout, de faire en sorte que l’individu prenne une décision ; de préférence celle qui était attendue de lui sans, bien entendu, qu’il ait l’impression qu’elle lui ait été extorquée.
Dans l’une de ses études, Lewin (1947b) montre que le simple fait d’impliquer des ménagères dans une discussion collective, pour les inciter peu à peu à prendre la décision de modifier leur consommation, est plus efficace à long terme que d’autres dispositifs purement motivationnels. Comme l’explique Lewin « la motivation à elle seule, cependant, n’est pas suffisante pour conduire au changement. Ce dernier présuppose un lien entre motivation et action. Ce lien se situe au niveau de la décision, mais il n’est fourni ni par la lecture ou même par la discussion. Il semble être lié au fait, au moins en partie, que le processus de décision qui ne prend que quelques minutes est capable d’affecter la conduite pour les mois à venir. La décision relie la motivation et l’action et, dans le même temps, semble avoir un effet de "gel cognitif" qui est partiellement dû à la tendance individuelle de « maintenir coûte que coûte sa décision » et partiellement à l’effet "d’engagement envers le groupe" » (1947b, p. 37, traduction libre).
Les travaux de Joule & Beauvois (1998) sur la soumission librement consentie partent des travaux de Lewin sur cette notion d’engagement dans l’action. Ces auteurs rapportent différentes procédures d’engagement qui, comme dans les expériences de Lewin, provoquent une décision individuelle qui induit un effet de gel cognitif, tout en préservant « l’illusion » de liberté dont croit jouir l’individu.
Cet effet du gel cognitif, et donc de l’engagement, s’explique par le fait que le type de délibération n’est pas le même selon les différentes phases de l’action pour le modèle de Heckhausen (1986 ; Heckhausen & Gollwitzer, 1987 ; Achtziger & Gollwitzer, 2008).
Heckhausen fait la différence entre la phase pré-décisionnelle, durant laquelle l’individu délibère sur les différentes motivations qui le poussent à agir, et des phases post-décisionnelles où la réflexion de l’individu n’est plus de savoir pourquoi il agit mais comment faire. Autrement dit, une fois que l’individu a pris la décision de s’engager dans l’action, il ne remet plus en cause la motivation qui l’a conduit dans l’action. Il est engagé.
C’est ce même phénomène qui explique l’élan d’achat (Shopping momentum), théorie proposé par Dhar, Huber & Khan (2007). Les auteurs montrent que l’effet entraînant d’un premier achat sur un deuxième s’explique par la différence entre pensées délibératives (deliberative mind-set) et pensées d’implémentation (implementation mind-set) telles que les propose la théorie des phases de l’action (Heckhausen, 1986).
Le modèle des phases de l’action d’Heckhausen (1986) va plus loin puisqu’il postule l’existence d’une phase post-actionnelle durant laquelle l’individu doit désactiver l’action en cours. Ce problème de la désactivation de l’action est au centre de la théorie de l’enlisement de l’engagement où les individus ont tendance à être enferrés par le déroulement de l’action, misant encore davantage après une ou plusieurs mauvaises décisions. Pour Staw (1981) ; si ce phénomène est lié à la présence d’une multitude de facteurs, l’un des plus importants reste l’évitement d’une dissonance cognitive (Festinger, 1957). Moins l’individu a envie de reconnaître que les ressources qu’il a investies l’ont été en pure perte, plus il est enclin à continuer d’allouer des ressources supplémentaires dans le processus infernal qu’il a lui-même mis en place.
C’est aussi sur ce versant, de la prolongation et de la persistance de l’action ou plutôt de l’activité, que se positionne la notion d’« engagement » dans le monde du travail. Les modèles font à ce niveau la différence entre plusieurs formes d’engagement qui n’ont pas toutes le même impact sur la persistance dans un emploi donné comme l’expliquent les modèles proposés par Porter, Steers, Mowday & Boulian (1974) ou Meyer & Allen (1991).
Représentation intégrée de l’engagement