Le modèle de l’élan d’achat (Shopping momentum) proposé par Dhar, Huber & Khan (2007) s’inspire du modèle de l’implémentation de l’intention (Gollwitzer, 1999) et plus précisément des différentes phases de délibération telles que les proposent la théorie des phases de l’action (Heckhausen, 1986 ).
Pour valider ce nouveau concept, Dhar, Huber & Khan (2007) s’appuient sur une série d’expériences qui montrent, non seulement qu’un premier achat a un effet entraînant pour un second, mais aussi, quelles sont les conditions à mettre en œuvre pour maintenir cet élan.
L’élan d’achat ne s’inscrit donc pas dans une perspective rationnelle pour laquelle la décision d’achat est basée sur une pondération des coûts et des bénéfices. Il s’agit ici plutôt d’une modélisation de l’effet engageant que peut avoir un premier achat pour ceux qui suivent. Dans la première expérience (Dhar, Huber & Khan, 2007, expérience 1), des étudiants sont préalablement payés pour remplir un questionnaire, qui n’a aucun lien avec les hypothèses de l’étude. Après avoir reçu 25 roupies (l’étude se passe en Inde), les étudiants sont informés qu’ils peuvent garder cette somme ou bien acheter un objet proposé par l’expérimentateur. Dans la condition contrôle, ils peuvent seulement acheter un porte-clefs pour 7 roupies. Dans la première condition expérimentale, qualifiée de faiblement incitative, ils peuvent acheter une ampoule pour 18 roupies avant que ne leur soit proposé le porte-clefs. Dans la deuxième condition expérimentale, fortement incitative, il leur est proposé un logiciel éducatif pour la somme de 18 roupies, avant que ne leur soit proposé le porte-clefs. La différence entre les deux conditions expérimentales est liée à l’intérêt que peut avoir l’objet pour la population étudiante et donc à la probabilité d’achat du premier objet, les étudiants préférant nettement acheter le logiciel éducatif plutôt que l’ampoule.
Les résultats de cette expérience sont conformes au modèle de l’élan d’achat. La principale variable dépendante est la proportion d’étudiants qui achète le deuxième objet ; c’est-à-dire le porte-clefs. Cette proportion n’est pas significativement différente entre le groupe contrôle (46.6 %) et la première condition expérimentale faiblement incitative (37 %). Par contre, la proportion d’étudiants qui achètent l’objet cible dans la deuxième condition expérimentale, fortement incitative, est significativement plus élevée (65 %) par rapport à la première condition expérimentale. Ce résultat est répliqué dans la deuxième expérience de l’étude avec des objets différents. D’un point de vue théorique, Dhar, Huber & Khan (2007) estiment que l’élan d’achat est lié aux différences entre « pensées délibératives » (deliberative mind-set) et « pensées d’implémentation » (implementation mind-set) telles que les propose la théorie des phases de l’action (Heckhausen, 1986). Les pensées délibératives qui ont lieu avant la prise de décision (le passage du Rubicon) soupèsent le « pour » et le « contre », alors que les pensées d’implémentation se focalisent sur les moyens à mettre en œuvre dans la poursuite de l’action. Pour Dhar, Huber & Khan (2007), le premier achat a pour effet de créer un décalage entre les deux systèmes de pensée. Autrement dit, lorsqu’un individu achète le deuxième objet, il n’est plus en phase délibérative mais en phase d’implémentation, ce qui facilite l’achat du deuxième objet. Les expériences 3 et 4 (Dhar, Huber & Khan, 2007) valident totalement ce point de vue puisqu’elles montrent que les individus qui ont déjà fait un achat ont plus de pensées d’implémentation. L’expérience 5 montre également qu’il est possible d’annihiler l’élan d’achat et forçant l’individu à revenir à la phase délibérative en séparant les sommes. Si l’individu doit investir deux sommes, c’est-à-dire une somme pour chaque objet, au lieu d’une somme pour les deux objets, alors l’élan d’achat disparaît. Dhar, Huber & Khan (2007) concluent que le concept qu’ils proposent est à distinguer des techniques d’engagement plus classiques - tel que « le pied dans la porte » - car les procédés expérimentaux sont radicalement différents (acte peu coûteux en premier suivi d’un acte plus coûteux en deuxième).
Représentation intégrée intégrée du modèle de l’élan d’achat
(d’après Dhar, Huber & Khan, 2007)