Le point de départ de cette conception théorique pourrait être considéré (et est même considéré par certains chercheurs) comme un biais méthodologique. En effet, il existe deux méthodes pour mesurer le besoin d’accomplissement (need of Achievement ou n Ach). La première repose sur le T.A.T. de Murray (1938 ) qui est également celui qui a proposé et défini l’existence de ce besoin. La deuxième méthode repose sur l’administration de questionnaires explicites dont les qualités psychométriques peuvent être mesurées ce qui pose moins de problème que pour le T.A.T. qui reste un test projectif. Très tôt DeCharms, Morrison, Reitman, & McClelland (1955) ont montré que ces deux formes de mesures ne permettaient pas de faire les mêmes prédictions (sur un test de mémorisation). McClelland, Koestner & Weinberger (1989) vont plus loin puisqu’en examinant différents résultats, ils reportent des corrélations de l’ordre de -.21 à .15, entre les deux formes de mesures de l’accomplissement. Le besoin d’accomplissement (n Ach) n’est pas le seul à connaître ce « problème », puisque pour le besoin d’affiliation (need of Affiliation, n Aff) les corrélations vont de -.06 à -.08 et pour le besoin de pouvoir (need of Power, n Pow) les corrélations vont de .08 à .05.

Pour McClelland, Koestner & Weinberger (1989) cette absence de relation entre les deux méthodes d’approches de ces trois besoins ne peut s’expliquer que d’une seule façon : les outils mesurent des motivations différentes. Les mesures motivationnelles dérivant de l’exercice de description d’histoire (comme le T.A.T.) continuent d’être libellées « n Ach », « n Aff » et « n Pow ». Ces mesures rendent compte de besoins implicites dans le sens où l’individu ne se décrit pas lui-même comme ayant cette motivation. Par contre, les questionnaires auto-complétés et les mesures attitudinales de motivation sont dénommées « san » pour « self-attributed need » (besoin auto-attribué) et se déclinent de la même manière que pour les besoins précédents en « san Ach », « san Aff » et « san Pow ». Pour McClelland, Koestner & Weinberger (1989), différentes études montrent également que les motivations que recouvrent ces deux formes de besoins sont très différentes.

Les besoins implicites prédisent les comportements spontanés qui sont les plus persistants alors que les besoins auto-attribués sont plus prédicateurs des comportements immédiats et des choix de l’individu.

Adoptant une distinction effectuée par Skinner (1938), McClelland, Koestner & Weinberger (1989) estiment que les comportements spontanés tendent à être opérants alors que les choix immédiats sont répondants. Skinner utilise cette taxonomie pour distinguer les cas où le stimulus de réponse peut être identifié (comportement répondant) de ceux où il ne peut l’être (comportement opérant). Cette distinction admet également deux méthodes de mesure. Dans un comportement répondant, la réponse est mesurée en termes d’intensité (latence ou amplitude) alors que pour un comportement opérant la réponse est mesurée en termes de fréquence.

Les besoins implicites pourraient refléter une orientation générale envers certains types de buts alors que les besoins auto-attribués refléteraient des normes sociales qui aident à définir plus précisément le domaine dans lequel ces objectifs doivent être atteints. Le besoin implicite d’accomplissement serait une orientation générale de vouloir bien faire les choses qui n’appellerait aucun contenu conscient et serait le propre de tout individu qui cherche en permanence à entreprendre. Les motifs implicites seraient principalement traduits au travers d’affects positifs ressentis lors de la pratique de l’activité alors que les besoins auto-attribués seraient pour leur part activés par des demandes sociales explicitées ou des incitations telles que les récompenses ou des promesses.

Ce dernier, fait dire à McClelland, Koestner & Weinberger (1989) que, pour les besoins implicites, il n’est pas nécessaire que l’individu développe des compétences langagières très importantes alors que les besoins auto-attribués nécessitent un self assez élaboré et de bonnes compétences langagières. Les besoins implicites se développeraient donc plus tôt que les besoins auto-attribués.

Représentation intégrée de la conception de besoins implicites et auto-attribués (d’après McClelland, Koestner & Weinberger, 1989)