Le modèle de la concordance du self (self concordance model) de Sheldon & Elliot (1999 ; Sheldon, 2002) s’appuie principalement sur la conception motivationnelle de Deci & Ryan (2002). Un point central que partage à la fois la théorie de l’autodétermination et celle de Sheldon & Elliot (1999) est le postulat de l’existence de trois besoins fondamentaux : autonomie, compétence et relations sociales.

Pour la théorie de la concordance du self, les objectifs que se fixe l’individu ne sont pas toujours en accord avec ces trois besoins fondamentaux. Pour autant, bien qu’en désaccord avec ces besoins fondamentaux, ces objectifs peuvent être choisis librement. Par exemple, l’individu va choisir certains objectifs sous le coup d’une impulsion spontanée liée à l’attirance d’une récompense ou parce qu’il estime qu’il doit telle ou telle chose pour sauver la face dans certaines situations. Pour Sheldon & Elliot (1999), le choix de ces différents objectifs, en accord ou non avec les besoins fondamentaux, vont donc conduire l’individu à poursuivre des objectifs qui vont plus ou moins être en accord avec « lui-même », c’est-à-dire son self. Pour expliquer cette contradiction qui pourrait surgir entre la liberté apparente de l’initiation et la régulation du comportement, Sheldon (2002) s’appuie sur la perception du « locus de causalité du comportement » telle que la formule la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 2002). Selon la perception du locus de causalité, les comportements varient sur un continuum d’internalisation. Ce cadre théorique permet d’admettre qu’il existe un degré d’internalisation qui peut être très variable d’un comportement à l’autre.

Pour Sheldon & Elliot (1999), les individus peuvent donc prendre des initiatives les conduisant à sélectionner des objectifs qui peuvent, par ailleurs, être en désaccord avec leurs besoins fondamentaux. Sheldon & Elliot (1998) montrent dans une série de mesures que les objectifs qui sont sélectionnés en concordance avec les besoins de compétence, d’autonomie et de relation sociale ont plus de chance d’aboutir à long terme.

Le modèle de la concordance du self articule donc les objectifs tout au long d’une séquence temporelle qui va de l’adoption des objectifs jusqu’à leur atteinte. La sélection des objectifs peut être considérée, de ce point de vue, comme déficiente si l’individu en vient à choisir des buts qui sont profondément en désaccord avec son self. Autrement dit, l’individu peut choisir des objectifs qui peuvent ne représenter ni ses valeurs ni ses intérêts.

Pour Sheldon & Elliot (1999), le self est conçu comme le « centre agentique » des activités humaines. Dans leur conception, le self est une sorte de construction plus ou moins stable qui peut prendre le contrôle de ce qu’ils appellent la « machine biocognitive » de façon à promouvoir la satisfaction des besoins organismiques.

Bien que l’individu puisse générer lui-même des objectifs, ceux-ci ne sont pas tous pour autant une émanation authentique du self. Les individus peuvent ne pas avoir l’impression d’avoir le choix dans le fait de faire telle ou telle activité en dépit du fait qu’ils ont eux-mêmes pris l’initiative de faire cette chose. Lorsque c’est le cas, il est relativement improbable que les individus se « sentent bien » et mènent à terme ce type d’objectif plus ou moins contraint. Ainsi, le bénéfice émotionnel en termes de plaisir, d’intérêt ou de sentiment de bien faire, est fortement détérioré. Différentes études (Sheldon & Elliot, 1998, 1999 ; Sheldon & Houser-Marko, 2001) montrent que les buts, qui ne sont pas concordants avec le self, entraînent un appauvrissement du sentiment de bien être. De façon opérationnelle, la concordance du self se mesure au travers des estimations que fait l’individu des buts qu’il poursuit en terme de perception d’intérêt ou de congruence identitaire, plus que de culpabilité introjectée ou de compulsion externe.

Représentation intégrée de la concordance du self
(d’après Sheldon & Elliot, 1999)